Mémoires de fin d'études - ÉNSA Versailles

Noirmoutier contrastée

Mémoire soutenu en 2024 par Sarah Bocquet, étudiante de Master 2
Groupe de mémoire [Habiter la ville, ici et ailleurs]
coordonné parRoberta Borghi & Magali Paris

Les mémoires de fin d'études sont soumis au droit d'auteur

Mémoire de fin d'études de Sarah Bocquet "Noirmoutier contrastée - Toits de Noirmoutier", 2024

De manière générale, dans ses différents projets ou autres travaux à l'école, Sarah Bocquet a souvent traité la question de la place du paysage dans l'architecture et surtout de la réciprocité de l'influence de l'architecture sur son paysage et du paysage sur son architecture.

« Concernant le sujet du mémoire, c'est ce même questionnement qui m'a tout d'abord interpellé et, surtout, il me tenait à cœur d'étudier un lieu qui m'était cher, que je connaissais depuis toujours. Je suis persuadée que faire l'étude poussée d'un territoire peut être faite de manière bien plus approfondie et réaliste lorsqu'on connait personnellement ce lieu et les personnes qui le pratiquent quotidiennement. Cela permet de s'appuyer sur des faits réels et pas seulement sur des écrits ou des dires de certains qui ne peuvent pas tout le temps être vérifiés. Noirmoutier est aussi une île que je vois évoluer depuis plus de 20 ans. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte des défis auxquels elle devait faire face, essentiellement dans le secteur de la construction par des expériences personnelles et via mon entourage. Il me parut donc primordial de remonter à la source des problèmes et d'essayer d'y dégager des solutions pérennes. »
Sarah Bocquet

Résumé du mémoire de Sarah Bocquet

L'île de Noirmoutier est située sur le littoral français, à l’Ouest de Nantes, dans la baie de Bourgneuf.

L'île possède un riche patrimoine architectural, marqueur de son histoire maritime. Une architecture qui n’a pas été choisie au hasard. La disposition des volumes, les matériaux, les détails constructifs ont tous une vocation et une signification. Chaque volet, chaque tuile, chaque façade raconte un souvenir et laisse une empreinte dans la ville. Cette architecture est aujourd’hui un des emblèmes de Noirmoutier ; elle caractérise ce paysage insulaire. Et pour les autorités locales, cet aspect-là n’est pas négligeable. Depuis des années, une règlementation importante régit l’île. Chaque construction est bâtie en accord avec l’histoire de l’architecture. Les architectes noirmoutrins ont donc un rôle primordial ; ce sont les garants de ce patrimoine. Et préserver une architecture historique dans un monde contemporain n’est pas simple.

La complexité de ce territoire ne se résout pas seulement à cette notion historique. L’île de Noirmoutier est aussi particulière par sa géographie. Deux tiers de l’île sont situés sous le niveau des eaux. Dont des marais, parfois salants, des espaces naturels protégés, des terres agricoles mais aussi des zones urbanisées. Aujourd’hui, 4000 des 14000 habitations de l’île sont potentiellement inondables.

L’île de Noirmoutier est donc fragile. Chaque tempête, chaque haute mer peut altérer cet espace, provoquer inondations, déstabilisation des digues, érosion des dunes. Et cela est déjà arrivé de nombreuses fois. L’île se relève à chaque fois, réédifie et consolide ses défenses. Noirmoutier est donc en lutte permanente contre la mer. Mais dans un contexte de montée des eaux planétaire, l’île est vouée à succomber aux flots. En attendant, tous les dispositifs sont nécessaires pour que sa disparition soit la plus lointaine possible. Les normes constructives doivent s’adapter à la contrainte de l’eau. Difficile dans un contexte d’architecture historique déjà suffisamment règlementée. 

L’étude de cette île amène une dimension considérable sachant qu’elle repose sur une importante saisonnalité. Territoire balnéaire depuis plus d’un siècle, les estivants multiplient le nombre d’habitants par dix chaque été. Les 10 000 résidants récurrents doivent alors faire de la place pour les 100 000 touristes. Cet essor, rendu possible par la construction du pont en 1971 n’est pas sans conséquences. Il est à l’origine de nombreuses problématiques, en particulier pour les noirmoutrins. La demande immobilière des touristes augmente, les prix flambent et les travailleurs locaux ne peuvent acquérir de biens sur l’île. Ils se retrouvent alors à devoir s’expatrier sur le continent, là où les prix sont bien moins élevés. Nombreux sont les outils législatifs mis en place pour aller à l’encontre de ce phénomène. Mais ce sont des outils dont la grande majorité est instaurée par l’Etat et peu adaptée à un territoire déjà contraint par des notions patrimoniales et climatiques.

Les dispositifs législatifs sont donc cruciaux pour la sauvegarde de l’île. Déjà extrêmement nombreux, ils participent à une jungle législative dans laquelle il devient très complexe de démêler le faisable de l’inconciliable. Tous les documents influent les uns sur les autres, se chevauchent, se juxtaposent, se contredisent. Le paradoxe règne. Il devient alors nécessaire de trouver un moyen de les mutualiser, de les harmoniser et surtout de les faire coïncider au territoire spécifique de Noirmoutier. Pour que l’île soit préservée, la cohérence doit prédominer.

Présentation du groupe de mémoire [Habiter la ville, ici et ailleurs]

Ce groupe de mémoire propose une réflexion sur la question de l’Habiter au croisement de deux approches : l’ici et l’ailleurs. On s’intéresse à l’habiter à travers une appropriation de l’ici, des territoires que nous pratiquons, en tant qu’habitants, étudiants, travailleurs... Il s’agit d’interroger les lieux de notre quotidien, de repenser la manière dont nous les observons et représentons pour comprendre comment l’habitat est construit, les rencontres interindividuelles s’organisent, les déplacements se configurent et comment nous interagissons avec les phénomènes externes… On propose également de porter attention à l’habiter à travers une appropriation de l’ailleurs, des territoires que nous découvrons et vivons, par choix, par hasard ou par nécessité, en tant que touristes, voyageurs, migrants, travailleurs, nomades... Il s’agit d’interroger les effets de notre présence et de nos actions sur les lieux que nous fréquentons de manière occasionnelle, temporaire, fugitive, imprévue... 
Cette approche demande à être réinterrogée, en termes d’échelles et de pratiques, à la lumière des crises que nous traversons (sanitaire, écologique, climatique, économique, politique…) : Quels ailleurs ? Quelles limites/ limitations ? Quels déplacements et quel rapport aux autres ? Comment penser, et, surtout, construire notre habitat ? Comment lire le rôle de l’architecte dans la construction de nouveaux liens entre l’architecture, ses habitants et son environnement ? Ouvert aux expériences personnelles et engagées (choix du sujet, du terrain, des méthodes d’enquête, des formes de valorisation), ce groupe est conçu comme une rencontre exploratoire entre les intuitions des étudiants et l'accompagnement théorique et méthodologique des enseignantes.
Nous encourageons une pratique intensive du terrain, enrichie d'observations et d'enquêtes attentives sur ce qui se passe dans le réel, et questionne aujourd’hui l’architecte. Les articulations entre mémoire et projet (P45 et/ou PFE) ainsi que l’exploration de modes de représentation originaux sont vivement encouragées. Chercher à faire la ville à partir d’une compréhension de nos modes d’habiter et de leurs transformations passées - en cours - et à venir, nécessite sans doute d’adopter une perspective plurielle et d'élargir nos champs de compétences.

A lire, une sélection des mémoires de ce groupe des années précédentes