Soutenance - Thèse

Soutenance de doctorat en Architecture de Monsieur David Malaud

L'école doctorale : Sciences de l'Homme et de la Société et le laboratoire de recherche de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles présentent l'avis de soutenance de Monsieur David Malaud autorisé à présenter ses travaux en vue de l'obtention du Doctorat de l'Université de Paris-Saclay, préparé à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles en : Aménagement, architecture

"Architectus ludens : faire illusion. Situation, symbole, diagramme, carte"

Lieu : Ensa Versailles, salle des conseils

Composition du jury :
M. Paolo AMALDI, Professeur, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles, Directeur de thèse
Mme Chris YOUNES, Professeure Emérite, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-La Villette, Rapporteur
M. Jean-Pierre CHUPIN, Professeur, Université de Montréal (Canada), rapporteur
M. Philippe POTIE, Professeur, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles, examinateur
Mme Soline NIVET, Maître de conférences, Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais, examinateur
Mme Carmela Cucuzzella, Professeure associée, Université Concordia, Montréal (Canada), examinateur

Résumé

Architectus ludens. L’architecte est un joueur. L’analogie est plutôt commune, un tantinet romantique. L’architecte s’amuse avec les formes, les matières, les ombres et la lumière, comme l’enfant qui joue, il « crée un monde à son idée ». Cet essai propose de prendre au sérieux cette posture, et de considérer le projet architectural et urbain comme la fabrique d’une illusion que l’architecte partagerait avec la société. L’auteur suit ainsi la voie ouverte par Sigmund Freud qui comparait l’artiste à l’enfant joueur. A sa suite, Donald Woods Winnicott établira le phénomène transitionnel du jeu, qui permet au nourrisson d’exister et inaugure sa capacité à imaginer, comme la racine de la créativité humaine. Sur la base de cette théorie le projet architectural est envisagé comme le trajet qui conduit de l’espace du libre jeu à la conception d’un jeu réglé, un jouet ou un terrain de jeu partagé. Si tous les architectes sont, au fond, des joueurs, cette qualité apparaît plus nettement dans le moment ludique qui fait suite à l’effondrement du paradigme moderne. Des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970, les artistes ont cherché à renouveler leurs pratiques en opposant l’expérience du jeu à l’œuvre d’art qui en est le produit. « Everywhere as playground ». Le monde entier devait alors devenir une grande aire de jeu, pour reprendre la formule d’Allan Kaprow. Les architectes ont suivi ce mouvement et de nombreux projets de cette période se démarquent par leur caractère explicitement ludique. Afin d’offrir aux architectes une boussole pour qu’ils ne se perdent pas dans leur jeu, l’essai propose une matrice de quatre règles du jeu. Elle vise à théoriser quatre manières de faire illusion, quatre techniques d’interprétation de l’environnement La première enquête porte sur l’ivresse du labyrinthe, illustrée par New Babylon, cette immense ville labyrinthique conçue par l’artiste plasticien Constant Nieuwenhuys suivant le concept de l’urbanisme unitaire théorisé par l’Internationale Situationniste. Elle nous conduit à théoriser la notion de situation comme résultante d’un jeu de distraction, qui nous détourne de l’espace-temps fonctionnel pour nous recentrer sur les énergies du corps en échange avec l’environnement. La magie des jouets est la deuxième règle du jeu étudiée en prenant l’exemple du Teatro del Mondo, ce petit théâtre flottant éphémère imaginé par l’architecte milanais Aldo Rossi pour le renouveau du Carnaval vénitien. L’architecture y est analysée comme un jeu de re‑présentation qui permet de faire symbole, une forme renvoyant aux événements de nos mémoires. C’est ensuite la combinatoire des jeux de construction qui est analysée en observant le Fun Palace, cette université populaire dédié à la créativité, et dessiné par l’architecte britannique Cedric Price comme un chantier naval reconfigurable à l’infini par ses usagers. Cette architecture sous-déterminée est associée à l’opération qui consiste à faire diagramme, à établir un réseau de relations à actualiser par le jeu de l’interprétation. Enfin, le dernier essai porte sur la systémique des jeux de stratégie et examine le World Game de l’architecte américain Richard Buckminster Fuller, un jeu de simulation stratégique pacifique qui détourne les jeux de guerre de l’armée américaine pour donner aux citoyens du monde les manettes du Vaisseau Spatial « Terre ». Il renvoie au jeu de la com‑préhension permettant de faire carte. Les quatre illusions étudiées renvoient finalement à quatre postures possibles pour l’architecte qui peut choisir de les combiner à sa guise dans la fabrique de ses projets. Il s’agit de lui donner les outils réflexifs qui l’aideront à développer sa propre grammaire architecturale. A travers la posture de l’architectus ludens, l’auteur dessine les contours d’une éthique de l’imaginaire. Elle exige de toujours remonter au libre jeu pour réinitialiser les règles de chaque projet, guidé par le désir du jeu qui fonde l’humain.