Milieux, ruralités et métropole - ÉNSA Versailles

Territoires «intérieurs» en transitions 3 - Revitalisation des centres anciens siciliens à risque d'abandon

Projet de master du 1er semestre, porté par Roberta Borghi, avec Anne-Sylvie Bruel, Franca Malservisi

Les Apennins émiliens / © A. Sassa 2021

Présentation

Territoires en marge, territoires du vide, territoires en déshérence, déserts urbains, … tant d’appellations pour identifier des situations caractérisées par une crise démographique et sociale, par une réduction des postes d’emploi et l’inadéquation de l’offre en logements, par un accès limité aux services essentiels (éducation, santé et mobilité), ou par une dégradation progressive du patrimoine bâti et non bâti et un manque inéluctable d'attractivité.
Si la condition de subordination et de distance par rapport aux principaux systèmes urbains et métropolitains paraît un fait distinctif de ces territoires, il faut toutefois remarquer que leur singularité peut "en faire des territoires atypiques".
La crise sanitaire récente, avec la réduction forcée des mobilités, la recherche d’éloignement spatial et la déconcentration des lieux de travail, semble mettre en évidence un potentiel encore peu exploré qui appelle à un nouveau regard sur l'habiter à l'écart.

Les centres anciens à risque d’abandon dans la Sicile centrale

Après avoir travaillé sur un territoire de l’intérieur du nord de l’Italie, nous nous confrontons, pour ce troisième volet de l’atelier, à un territoire du sud, qui présente des caractères très différents en termes de situation géographique, d’histoire et de développement urbain.

La double condition de marginalité qui caractérise les territoires intérieurs de la Sicile, au cœur d’une île et isolés des dynamiques des villes côtières, ainsi que les flux migratoires massifs vers le nord du Pays et vers l’étranger, en font un cas d’étude particulièrement intéressant pour observer le processus de déprise économique et sociale et de dégradation progressive des centres anciens. Le territoire sicilien est également singulier pour le caractère essentiellement urbain de ces centres habités, même de ceux qui sont plus isolés ou liés aux grands domaines agricoles. Cela se traduit en une multitude de villes, - petites, moyennes et grandes -, (Iachello et al., 1987, p.89), au tissu bâti compact, avec quelques architectures et espaces publiques remarquables, qui témoignent souvent d’un passé riche d’influences, de dominations, d’échanges et de cultures.

Comme nous l’avons observé au cours des deux premières années d’atelier, l’abandon et la dégradation de ces territoires sont le fruit d’un ensemble de phénomènes corrélés : des services essentiels (notamment écoles et hôpitaux) et des infrastructures manquants ou obsolètes ; la fermeture des commerces de proximité ; l’incapacité à rebondir et à se transformer suite à la crise d’un secteur économique dominant ; l’inadéquation du bâti ancien aux modes de vie actuels ; le vieillissement de la population (par l’effet du départ des actifs).

Pour répondre à ce phénomène complexe, les stratégies mises en place dans le cas sicilien produisent des résultats contrastants : d’un côté, on assiste à l’inefficacité de certaines politiques urbaines (locales, régionales, nationales) qui ont limité, voir contrasté, la conservation du patrimoine ancien et la relance de ces territoires. De l’autre côté, des initiatives vertueuses montrent la présence d’un substrat actif, ouvert aux expérimentations : par exemple, la valorisation du patrimoine bâti ancien à travers la vente des maisons à 1 euro (Gangi, Salemi et beaucoup d’autres aujourd’hui), ou encore, des projets de relance menés par des privés, autour de l’art et de la culture en général (Favara).

Afin d’orienter notre lecture et nos propositions de projet, nous nous baserons dans la ville de Leonforte, dans la province d'Enna, au cœur de la Sicile et à une heure de Catane. Ville moyenne d’environ 13 000 habitants, étendue à flanc de colline du mont Cernigliere jusqu'à 700 mètres d’altitude (centre ancien du 17ème siècle), Compte tenu de sa taille et de ses évolutions successives, l’état de dégradation est aujourd’hui partiel (mais diffus) et hétérogène en fonction des quartiers.

En nous inscrivant dans un travail de longue haleine sur le quartier ancien de Granfonte conduit, depuis plusieurs années, par les enseignants-chercheurs du Département de Restauration de l’Université de Catane, nous chercherons à comprendre les raisons qui ont porté à l’abandon progressif du bâti ancien de Leonforte : quel rôle jouait-elle au sein de son territoire et des communes qui l’entourent ? Quelles dynamiques spatiales, sociales, économiques ont conduit la ville à son actuelle marginalisation ? Comment l’étude et l’intervention sur le bâti existant pourraient-elles participer à la revitalisation de ce quartier historique de Leonforte ? Ou encore, comment les projets d’architecture et urbain peuvent-ils donner forme à une stratégie de revitalisation, attentive aux traces de l’histoire, aux atouts paysagers et aux pratiques habitantes ?